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  • : Caricatures médicales
  • : Radiologue en région messine, je réalise des dessins humoristiques sur le monde médical et paramédical. Vous les trouverez classés par rubriques. Ils servent entre autres à l'illustration d'un site d'expression médicale tous les week-end (Exmed.org). D'autres pages vous présenteront une galerie de mes peintures,acryliques et aquarelles,Bonne visite !
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21 janvier 2010 4 21 /01 /janvier /2010 19:27

On ne devrait pas souffler à l’encontre du vent de l’opinion générale…. Soufflons quand-même, les filles ! D’autant que les temps sont durs, entre les obscures Dark Wadorettes affublées de voiles noirs au nom de la religion nous expliquant que c’est là la vraie liberté des femmes, et dix jolies starlettes qui se dépoitraillent pour, soi-disant, sensibiliser à la campagne de dépistage du cancer du sein, nous sommes cernées par une exhibitionitude ambiante galopante aigüe, dans un sens comme dans l’autre, contre laquelle il ne semble exister de remède. Revenons sur les faits : en septembre 2009, dix stars françaises, actrices et top(-less)-modèles posent seins nus dans Marie Claire pour apporter leur contribution à la lutte contre le cancer du sein. La mise en scène est sobre, en noir et blanc, le regard volontairement inexpressif (ça n’a pas dû être trop difficile), tourné vers l’interlocutrice, c’est à dire….NOUS ! Le résultat n’est pas inesthétique, ce sont des tops après tout, qu’en est-il des impacts de ces photos? L’un d’eux est bien certainement une belle retombée pour le magazine Marie Claire qui doit se frotter les mains, d’autant que l’incitation au voyeurisme , dont se défend évidemment la mise en scène très simple des modèles, élargit les ventes à un lectorat masculin supplémentaire. Excitation sexuelle et maladie, voilà une association innovante et originale, dont la revue tire un bon profit, et tout en se donnant bonne conscience, c’est pour la bonne cause, et que ne ferait-on pas pour la bonne cause…..

L’autre impact est la stimulation du réflexe de peur de la lectrice, de par la juxtaposition du texte : « elle a montré ses seins, elle a sauvé sa vie », à peine menaçant ça : si vous ne montrez pas vos seins, vous êtes une criminelle mettant une vie en danger. Les femmes non atteintes n’ont pas attendu Marie Claire pour se faire dépister et montrer leur poitrine, non pas en l’exhibant en des milliers d’exemplaires servant à se refaire une notoriété personnelle, mais dans un contexte purement médical. La nécessité de se faire dépister n’est pas un scoop pour les femmes. Celles qui sont atteintes dans leur chair après cette maladie vont donc constater, une fois de plus, à quel point leur anatomie mutilée ressemble bien peu à ces corps indemnes, déployées sur papier glacé comme une provocation supplémentaire, et prendre un peu plus conscience combien elles sont éloignées de cet idéal. Car il ne s’agit pas de dévoiler simplement sa tenue d’Eve lors d’un examen, il s’agit de montrer un organe potentiellement malade, par lequel la mort peut survenir. La campagne de photographies dans la revue Marie Claire passe complètement au-dessus de cet aspect, ces femmes posent pour un photographe qui les met malgré tout en valeur en dévoilant un corps intact ; le passage devant un mammographe est complètement dénué de coquetterie, l’appareil « photographique » ici n’est pas un ami, c’est un instrument douloureux qui potentiellement va faire basculer notre vie, parce qu’il voit la maladie, en-dedans du corps. Il ne glisse pas esthétiquement sur des formes harmonieuses, non, il va fouiller au plus profond de la chair et démasquer ce qui nous terrorise, toutes, et qui fera que nous ne nous déshabillerons plus jamais avec cette belle désinvolture.

 

On ne donne pas à boire à un chameau qui n’a plus soif, notre époque nous jette en pâture constamment jusqu’au gavage des images du corps devenu « objet » ; la nudité a beau ne plus être honteuse, la débauche d’idéaux féminins dans les magazines ne facilite pas pour la femme lambda, et encore moins pour la cancéreuse de s’exposer au regard , ne serait-ce que celui de la manipulatrice radio, du médecin radiologue ou du chirurgien. Le médecin, l’appareil de radiologie ont une fonction intrusive dans l’intimité et la dignité, et extériorisent l’intérieur de la personne. Le cliché médical est un informateur sur sa physiologie, c’est une deuxième mise à nu, qui n’a rien à voir avec juste le fait de se déshabiller. Il n’est pas question simplement de convaincre les femmes à se déshabiller, il est question de le leur faire faire à bon escient, au bon moment, et dans le cadre d’un suivi par des médecins, de façon adaptée : dépistage systématisé pour les unes, personnalisé pour les autres.

Parce que le gros du problème est que les actrices et les mannequins pensent ! Mais si ! On ne demande pas du tout à des professionnels de la santé de se prononcer sur le dépistage, d’en expliquer les tenants et les aboutissants, pas du tout, ce sont les top-modèles, Estelle Lefébure en tête, avec l’appui de Tina Kieffer, rédactrice en chef de Marie Claire, qui plaident pour un dépistage systématique gratuit à partir de 40 ans, en demandant même à Mme Carla Bruni-Sarkozy d’intervenir en sa faveur ! Le sujet de cet article ici n’est pas de discuter du bien fondé d’une telle demande, contestée par les professionnels épidémiologistes et cancérologues sur son efficacité, contestée aussi pour des raisons de sur-diagnostics et de multiplication d’investigations coûteuses et délétères à la suite de « faux positifs » inhérents à l’imagerie particulière dans cette tranche d’âge entre 40 et 50 ans, qui justifie le dépistage systématique seulement après 50ans. Tout cela est un débat à part, mais qui n’a pas eu lieu puisqu’on ne demande pas l’avis des médecins! Ce qui paraît inacceptable est que le médecin est singulièrement absent dans ces discussions autour des sujets aussi importants que le dépistage et la prévention du cancer du sein, aussi bien dans la revue que lors des émissions télévisées ou radiophoniques sur le sujet.

Pour le bien des femmes, belles actrices et coureuses de podium, abstenez-vous donc de réfléchir, faites ce pour quoi vous êtes payées et qui semble déjà si difficile pour vous, à savoir mettre un pied devant l’autre sur une trajectoire linéaire en faisant des demi-tours sans se casser un talon ou se faire une entorse aux neurones, et laissez la réflexion à ceux qui possèdent ce qu’il faut pour cela : un cerveau, une connaissance médicale, des arguments scientifiques. Ou faut-il que les médecins s’imposent, nus comme des vers, sur les plateaux télévisés pour se faire entendre ?

 

Et puis pourquoi la nudité féminine est-elle utilisée, une fois de plus, à des fins pseudo-philanthropiques ? Pourquoi la nudité masculine rencontre-t elle encore dans le grand public un accueil si frileux ? Le problème de l’homme serait-il son pénis ? A-t il peur de se voir ridiculisé ou vulnérable par l’exposition de cet organe…télescopique, flanqué là comme une fioriture décorative ? La libération du corps masculin s’est faite depuis 1980 à nos jours en grande partie à travers la photographie, mais c’est son UTILISATION à l’instar de celui de la femme qui traduira alors vraiment l’égalité entre les deux sexes . Je croirai vraiment en la dimension philanthropique et d’intérêt général de ce genre de déshabillage public lorsqu’un jour des stars masculines du show biz voudront bien, pour sensibiliser à la détection du cancer du testicule ou de la prostate, baisser le pantalon ou relever le kilt avec la phrase en surimpression : « il a montré ses bourses, il a sauvé sa vie ».

Non mais en fait, je ne suis pas juste, la performance de nos dix naïades aura eu son utilité, et je suis sûre que les routiers sympas, on the road, se sentent bien entourés dans leurs heures solitaires, avec ces belles sur papier glacé placardées aux parois de leur cabine….

Pour conclure, si vraiment la santé publique doit être confiée à des rédactrices de revue, des actrices et des ex-mannequins, nous pourrons toujours, nous, les médecins, nous recycler en défilant sur les podiums, en tenue que vous voulez d’ailleurs…..

 

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 10:28
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15 novembre 2009 7 15 /11 /novembre /2009 21:58

Les génériques, c’est tout automatique !

 

« Bonjour, je voudrais de l’acide acétylsatilic…, de l’acide acidilsalis…., non, de l’acide salisalécyl…., oh et puis zut ! ». Voilà une scène tout droit inspirée du fameux sketch des Inconnus, et qui risque de se renouveler dans bien des pharmacies, et le bafouillage de nos chers patients ne serait pas le plus grave…

Début novembre de cette année les députés de l’Assemblée Nationale votent un amendement obligeant les médecins à prescrire uniquement les médicaments génériqués. Jusqu’alors, depuis 2002, les praticiens peuvent prescrire au choix le médicament dit « de marque » ou bien le générique, et c’est le pharmacien qui propose au patient de lui délivrer le générique, ce qui est accepté dans la grande majorité des cas. Non seulement cette obligation imposée aux médecins est parfaitement contraire à la liberté de prescription et à l’indépendance professionnelle, mais il est curieux de constater qu’en parallèle, les mêmes députés adoptent un deuxième amendement « permettant » aux laboratoires de copier à l’identique (dans sa présentation : forme, couleur, saveur) le médicament d’origine. Une obligation d’un côté, une permission de l’autre ; un mise sous contrôle en perspective des prescriptions médicales par la Sécurité Sociale à droite, et une marge de manœuvre peu contraignante pour les labos à gauche (sans connotation politique !). Et pourquoi pas plutôt l’inverse ? Un contrôle plus rigoureux des agissements de l’industrie pharmaceutique, et pas seulement pour savoir si le suppositoire Y doit être rond ou conique ou si le sirop X doit avoir goût à la fraise ou la banane ? C’est utopique, ça ?

Les médicaments génériques sont sujets à certaines problématiques, justement entre autres le problème de repérage des boîtes par les couleurs et les formes des emballages et du produit lui-même, qui peut entraîner des confusions et des erreurs de posologie, notamment chez les personnes âgées ou étrangères ; le médecin prescrivait parfois sciemment un médicament de marque dont il savait que le patient en avait l’habitude et risquait moins d’erreurs dans sa prise.

Depuis l’arrivée des médicaments génériques, le médecin ignore complètement si le médicament prescrit sera remplacé par l’intervention du pharmacien et par lequel des différents génériques il pourra l’être. Il n’a aucun contrôle finalement sur sa propre presciption : « prescris et tais-toi »…., et ce d’autant plus que des « marges arrières », d’après un article du Canard Enchaîné en 2008, seraient rétrocédées par les laboratoires à des pharmaciens distributeurs de leurs spécialités génériquées.

L’amendement, de par sa formulation , ne semble pas vouloir contraindre le fabricant à respecter également la composition excipiendaire. L’autorisation de mise sur le marché pour un générique s’attache essentiellement à vérifier sa non-toxicité. Mais son efficacité est-elle aussi sûre et aussi vérifiée, dans la mesure où elle dépend de la galénique, c’est à dire ce qui entoure le médicament, les co-principes qui conditionnent au principe actif sa durée de vie plasmatique, son absorption digestive, son « arrivée » aux organes concernés ? Qui peut garantir que le fabricant ne sera pas tenté d’envelopper son produit avec des excipients moins coûteux, dont l’efficacité en concommittance avec le produit princeps n’est pas vérifiée, et dont la toxicité ou le possible risque allergique ne sont pas recherchés ni même leur potentielle intolérance ?

On distingue trois types de génériques :

-la copie conforme : même produit, mêmes quantités, même forme galénique, mêmes excipients, même labo d’ailleurs souvent.

-les médicaments assimilables : il existe quelques modifications minimes de la forme galénique ou bien du principe actif même.

-les médicaments essentiellement similaires. L’excipient change, mais pas la forme galénique, ni la substance active.

Tous ces génériques doivent faire preuve de la « bioéquivalence » , qui stipule que les valeurs de la quantité et de la vitesse de passage de la substance active dans le sang ne diffère pas de plus de 20 à 25% de celle du médicament original. Ce qui pose plusieurs problèmes. D’abord on ne peut prétendre au patient, par honnêteté et à l’heure où on nous rebat les oreilles avec le consentement éclairé du malade, que le générique est tout à fait identique à l’original. Par ailleurs, la fameuse bioéquivalence est testée sur un panel de sujets sains, et encore panel assez réduit, et dans des conditions bien éloignées de la vraie vie, dans laquelle le médecin est confronté à de vrais malades, avec de vraies pathologies multiples et imbriquées, et possédant de vrais systèmes digestifs pas bien neufs, et qui n’ont pas non plus tous vingt ans !

On évoquera aussi la controverse des médicaments dits de « faible marge thérapeutique ». Il s’agit essentiellement de médicaments concernant la cardiologie, mais également des anti-épileptiques ou des antidiabétiques. Ces médicaments ont la particularité d’être très vite soit inefficaces soit très toxiques avec même une faible variation du taux plasmatique, à l’instar (ceci pour comprendre) de la toxicité de l’irradiation subie par les malades d’Epinal dès 7% de sur-irradiation, ce qui apparaît très peu avec pourtant des conséquences épouvantablement dramatiques. Ainsi des cas de recrudescence de crises épileptiques ont été décrits chez des malades pour lesquels on a substitué le princeps par le générique (lamotrigine). Certains cardiologues alertent sur un problème d’efficacité d’un générique anti-hypertenseur par rapport au médicament initial, avec des patients retrouvant leur tension artérielle normalisée après reprise du traitement d’origine (médicaments anti-calciques). Même constat avec des médicaments béta-bloqueurs sur le rythme cardiaque ou des produits destinés au traitement de l’insuffisance cardiaque.

L’argument de poids invoqué pour la prescription de génériques est leur plus faible coût. A-t on poussé la curiosité d’évaluer le gain pour la Sécurité Sociale, alors qu’il existe souvent plusieurs génériques possibles pour un même médicament, émanant de différents laboratoires ?

Le Spasfon par exemple coûte 2,82 euros pour 30 comprimés alors que le générique Phloroglucinol Orodispersible coûte 2,12 euros pour seulement 10 comprimés. Faites le calcul…

Et les éventuels effets adverses ou d’intolérance dûs à des excipients mal supportés entraînant des surcoûts d’hospitalisation ou de prescriptions supplémentaires ont-ils été évalués, et sont-ils évaluables d’ailleurs ?

Alors en résumé, au lieu de s’évertuer à restreindre encore un peu plus la liberté d’action des prescripteurs , de chercher à enfermer le médecin dans un système contrôlé, si on s’attachait plutôt à EXIGER (et non pas « autoriser ») certaines garanties de la part des laboratoires fabricants de médicaments?

-      exiger des médicaments complètement à l’identique (pas seulement par la couleur ou la forme)

-      exiger une étude plus rigoureuse et plus représentative de la biodisponibilité et des bioéquivalences .

-      exiger une interrogation sur l’effet des excipients en matière de risque allergisant, de modification de l’absorption, de toxicité ou de tolérance.

-      revendiquer des médicaments dépourvus d’excipients connus pour être toxiques ou allergisant (soja) ou dont on ne connaît pas réellement l’impact.

-      Exiger la non-fabrication de génériques pour les médicaments à marge thérapeutique étroite et permettre ainsi au médecin de prescrire le produit d’origine, dont lui, et son patient ont l’habitude, sans que le pharmacien ne substitue.

-      Exiger une régulation sur la fabrication du générique afin de ne pas se retrouver avec dix génériques pour un même produit, et ainsi de ne plus savoir ce que le malade avale réellement.

 

On ne peut donc rester serein par rapport aux dérives possibles du marché du générique, et encore je n’aborde pas les cas survenus à l’étranger de lots retirés de certains produits en raison de dosages défectueux ou de fabrication défaillante…Cela nous occasionnerait un mal de crâne épouvantable et il nous faudrait prendre rapidement de l’acide acilisali…., de l’acide acétasilaci…, de l’acide acétylsilila…., bon sang, de l’Aspirine quoi !

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 20:32
Les associations et ligues pour la santé : avantages et dérives


A la suite de l’affaire Perruche, sept associations de défense aux personnes handicapées envoient une lettre ouverte au président Chirac demandant l’abrogation du premier article de la loi du 4 mars 2002 du droit des malades. Le début de l’histoire se situe en novembre 2000 où la Cour de Cassation donne raison aux parents de l’enfant Nicolas Perruche, né handicapé à la suite d’une erreur médicale, en octroyant à l’enfant né handicapé le droit d’être indemnisé de son propre préjudice, en dehors de l’indemnisation des parents. Cet « arrêt Perruche » voulait dire en d’autres termes qu’un enfant né handicapé pouvait se plaindre d’être né infirme plutôt que de n’être pas né, que la vie d’un handicapé ne méritait donc en aucun cas d’être vécue et devait être indemnisée. A la suite du tollé général provoqué dans l’opinion publique, mais également au sein du corps médical, la loi du 4 mars 2002 du droit des malades inscrit alors qu’il n’est pas possible d’être indemnisé pour le seul préjudice d’être né, en édictant comme article premier que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance », et que seuls les parents de la personne handicapée peuvent demander réparation de leur préjudice. La personne handicapée quant à elle, a droit à la solidarité de l’ensemble de la collectivité nationale, mais autant dire rien du tout, selon les signataires de la lettre ouverte au président Chirac. Par la suite et régulièrement cette loi est contestée et remise en cause par des parents, et finalement c’est en 2005 par la loi du 11 février 2005 que « la personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap » quel qu’il soit. Le président Chirac fait du handicap un des chantiers majeurs, la loi sur le handicap prévoit des compensations de façon concrète aux charges liées au handicap.
On s’aperçoit là du rôle incontournable des associations comme interlocutrices auprès des instances gouvernementales, incitant les familles à s’organiser dans le cadre associatif et exerçant grâce à leur structure organisée une pression sur les pouvoirs en place. L’association des Paralysés de France est emblématique à cet égard, en fédérant les handicapés et leurs familles, en leur faisant prendre conscience de leur pouvoir collectif et en forçant l’Etat à prendre ses responsabilités pour garantir aux handicapés leurs droits fondamentaux.
Depuis 1980 le nombre des associations de malades ne fait qu’augmenter et l’on en rescence 10 000 en France actuellement. Elles correspondent à une évolution de la société et de la perception des malades qui se veulent acteurs participant à leur maladie et à leurs traitements, et non plus subissant passivement l’omniscience ou le paternalisme des médecins. A quoi servent-elles ? Leur but premier est la défense des usagers, leur représentation, dans la mesure où elles sont agrées, dans les instances hospitalières (conseils d’administration des hôpitaux publics, commissions de relations avec les usagers, commissions régionales d’indemnisation) ou de santé publique (observatoires régionaux de la santé, organisations sanitaires régionales, unions régionales des caisses d’assurance maladie…). Des associations de patients ont fait part au Premier Ministre de la nécessité de faire avancer le projet rela
tif à l’accès au dossier médical. Par rapport au malade directement, les associations l’aident dans son quotidien, mais soutiennent aussi les familles, en proposant des solutions à des problèmes concrets rencontrés spécifiquement dans le cadre de la maladie concernée, en offrant un accès à des forums qui rassemblent bien plus que les seuls malades. Leurs sites permettent la mise en contacts des malades, qui y trouvent écoute, conseils, aide dans leur recherche, avec l’avantage indéniable qu’un malade informé sachant mieux se prendre en charge et mieux renseigné sera moins angoissé, moins démuni, moins tributaire de son médecin et moins consommateur des services hospitaliers ou d’urgence.
Les associations interviennent également dans la prévention, à l’instar de la Fédération Française de Cardiologie, comprenant cardiologues mais aussi de nombreux bénévoles, par le biais d’actions d’information, de campagnes sur les gestes qui sauvent, de brochures qu’elle diffuse…. Les associations montrent leur efficacité dans des actions de sensibilisation du public à certaines problématiques et de là, à la collecte de fonds destinés ensuite à la recherche par exemple. Les associations contre le sida ont largement contribué à la reconnaissance des malades et la réussite médiatique de l’ Association Française contre les Myopathies avec le Téléthon n’est plus à démontrer, servant pour une large part à favoriser la recherche, notamment le Généthon, ce laboratoire de recherche situé à Evry.
Enfin elles peuvent avoir également une vertu moralisatrice ; récemment, en juin 2009, le TRT-5 (groupe de travail interassociatif « Traitement et Recherche Thérapeutique » fondé par cinq associations de lutte contre le sida) veulent forcer les dirigeants de firmes pharmaceutiques à communiquer les modalités de rétributions consenties à des médecins et des chercheurs pour leurs participations à des manifestations scientifico-promotionnelles, ayant remarqué une hausse inexpliquée de ces versements.

Le bénévolat est le pivot de ces organisations associatives, mais le bénévolat ne doit pas occulter l’esprit critique sous prétexte d’engagement désintéressé, pas plus que les belles envolées artistico-médiatiques pour les bonnes causes ne doivent camoufler des dérives d’ordre financier. En France, la lutte contre le sida a été grevée de scandales financiers à répétition depuis 1995 : détournements des fonds du Comité Français d’Education à la Santé (composé de professionnels et non-professionnels de la santé), rapports accablants de l’IGAS sur la gestion de l’Agence française de lutte contre le sida (l’AFLS), scandale et dissolution de l’association »Ensemble Contre le Sida » en 2005, après l’échec du Sidaction, de l’aveu même de Pierre Bergé qui convenait avoir ignoré les dysfonctionnements graves et le « manque de vigilance dans le maniement des fonds ».
Récemment, en août 2008, le journal suisse « der Beobachter » dénonce le financement de la principale association allemande de patients (Deutsche Gesellschaft Für Versicherte und Patienten) par l’industrie pharmaceutique, le laboratoire Sanofi-Pasteur très exactement, à fin de promouvoir son vaccin Gardasil.
On citera encore l’exemple canadien où des firmes pharmaceutiques (laboratoire Pfizer) financent plusieurs associations, entre autres la Société Alzheimer, qui par retour d’ascenseur encouragent la consommation de leurs produits à travers les associations ou les groupements de malades, gonflant ainsi les ventes de médicaments, dont l’efficacité sur la démence, en outre, n’est pas formellement et unanimement acquise…(voir article de Ricard-Châtelain, paru en avril 2008 dans un journal canadien « le Soleil »)
Les associations de malades acceptant de l’argent des industriels pharmaceutiques sont manipulées, mais aussi les médecins dont la formation est payée par les laboratoires, ainsi que les revues scientifiques financées (ou est l’information scientifique indépendante et transparente ?), l’objectif ultime pour ces laboratoires étant d’influencer à leur profit les décisions publiques. Le groupement de malades devient un groupe de pression autour d’un profit financier, autrement dit devient….corruptif.
Si on pousse ce mécanisme à outrance, on pourrait très bien imaginer des associations de patients « montées » artificiellement par les groupes pharmaceutiques pour propulser de force un produit, pour influencer les politiques et les débats publics et imposer un médicament sans que quiconque ne s’aperçoive de ce vaste réseau de corruption manoeuvré par l’industrie du médicament !
En France on ne connaît pas forcément les associations ayant des intérêts financiers, car peu les déclarent. Toutefois le journal « Le Monde » publiait le 28 mai 2009 un article dénonçant les démarches mercantiles de certaines associations de malades, et les conséquences de ces conflits d’intérêts sur les autorités sanitaires et les politiciens pour orienter les réglementations et décisions législatives en faveur des laboratoires, bafouant ainsi les principes d’impartialité et d’indépendance ;(auteurs : Alain Bazot, Jean-Pierre Davant, Bruno Toussaint de la revue « Prescrire »).
Il est temps d’assainir par le biais des politiques la relation entre les associations de patients et l’industrie pharmaceutique, de garantir l’indépendance des médecins et des revues médicales, de retirer des produits réputés inefficaces, d’interdire aux laboratoires de diffuser une information médicale autrement que par le biais de professionnels de santé indépendants. Il faut aussi que les élus politiques assument leur responsabilité en la matière, soutiennent des initiatives financièrement et ne transfèrent pas leurs compétences vers une armada d’associations médiatisées. Plus important encore, c’est au niveau européen qu’une réglementation doit avoir lieu ; ainsi l’EPHA (European Public Health Alliance), l’AIM (Association internationale de la mutualité), le BEUC (organisation européenne de consommateurs) ont demandé à José Manuel Barrosso que les décisions concernant les produits pharmaceutiques ne soient plus subordonnées à la Direction Générale Entreprises et Industrie, en accointance directe avec les industriels du médicament. Les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres. Il en va non seulement de la probité des différents acteurs, ou de la qualité du système de santé, mais avant tout et surtout de la confiance du patient envers médecins, laboratoires et politiciens. Cette confiance, base de la relation médecin-malade, risque d’être mise à mal par ces dérives incontrôlables, et par conséquent il existe un risque de retour en arrière avec un refus en bloc des traitements de la part des malades, une méfiance accrue dans la population vis à vis des médicaments en général, comme on le vit actuellement, à tort ou à raison, là n’est pas la question, concernant la vaccination quasi imposée contre le virus H1N1.

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27 septembre 2009 7 27 /09 /septembre /2009 19:46
L’humour- médecin

Nous n'avons pas la même égalité des chances devant l'humour. Sa finalité, nous la connaissons, il sert à faire passer des idées, à nous rendre populaires vis à vis d'un auditoire, à avouer plus facilement une bévue, à conquérir l'âme soeur... Mais qui pratique l'humour, le vrai, pas le comique genre entartage ou grimaceries funèsiennes? L'humour passe généralement par le verbe, et il comporte de façon plus ou moins prononcée la contestation, la rebellion. Qui sont les vrais, les grands humoristes, qui nous amusent tant? Souvent des personnes qui ont la capacité de se distancer de la réalité pour mieux l'observer. Ces gens-là possèdent un fond de "dépression désabusée" dans leur regard sur leur temps et leurs concitoyens , et une aptitude à transformer leurs angoisses , leurs déceptions, leurs phobies , bref leur souffrance, en une dérision salutaire, qui leur permet, à notre plus grand plaisir, de se gausser de ces choses déplaisantes, façon aussi pour eux de les surmonter. C'est pour cela que fréquemment les humoristes, en privé, sont décrits comme des personnes difficiles à vivre et traversant de graves crises existentielles. On peut donc conclure que les gens les plus dénués d'humour seraient ceux qui ne se posent jamais de question, sont toujours en accord avec eux-mêmes, et qu'il est préférable de posséder un stock d'angoisses, de dépressions et d'être mal dans sa peau pour faire rigoler. Sans être mal dans sa peau, on peut prétendre à juste titre que le médecin, régulièrement confronté à la maladie et à la mort, côtoie et enregistre tout au long de ses études, puis de son exercice son lot de destins frappés par la maladie, et de malheurs en tous genres. Lui aussi a des angoisses à gérer, les siennes et celles des autres. Lui aussi est dans un état de rebellion, de contestation face à un corps qui fait faillite, face à ses propres limites et sa lutte dérisoire à combattre l’issue finale de son patient. Ses phobies, ses déceptions, ses échecs, il les transforme de la même façon en dérision, pour mieux les surmonter.
Le mot humour a une connotation différente selon les latitudes, chez les Italiens « umorismo » fait référence à des facéties et des boutades divertissantes, chez les Anglais, « humour » constitue plutôt un sens subtil de la compréhension humaine, presque cynique, de façon désinvolte et avec une moquerie blasée. Le médecin peut utiliser l’humour, s’il a la chance d’en être pourvu, tout simplement pour détendre l’atmosphère. L’humour permet de dédramatiser et d’atténuer la charge mélancolique et aussi anxiogène liée à la maladie, ressentie par le médecin comme on l’a vu plus haut, mais aussi et surtout par le malade. Finalement le médecin est humain, tout comme le malade, et l’humour, bien dosé, évidemment, et employé à propos, rassemble dans une communauté humaine les deux protagonistes. La connivence qui en résulte conduit à une mise en confiance du patient, par le fait qu’il sent l’empathie du médecin par rapport à son sort. L’empathie étant la capacité de partager les sentiments et les souffrances d’une autre personne, il est évident que le médecin , tout comme n’importe quel autre humain, ne possède pas une « réserve émotionnelle » suffisante à éponger toutes les peines de sa patientèle, il le fait dans certaines limites, l’humour constitue une « soupape de sécurité », peut-être un subtil trait d’union entre la souffrance du malade et la position prééminente du médecin. Dans ce clin d’œil, cette ironie exprimée, malade et médecin sont sur un même plan, et partagent fugacement le même sort, ils sont frères momentanément dans leur vulnérabilité physique et psychique.
L’utilisation de l’humour présuppose néanmoins une bonne capacité de jugement de la part du médecin vis à vis de la personne qui est en face de lui. Le malade peut en être dépourvu, ou ne pas être, le jour de l’entretien, « sur la bonne longueur d’ondes ».
Qui est raillé ? Le malade, le médecin et la mort elle-même sont des sujets de l’humour médical.
Pour comprendre pourquoi l’humour médical existe, il faut d'abord comprendre ce qui provoque le rire. Le rire apparaît lorsqu'une faille intervient dans un état de choses établi. La transformation d'une chose sacrée en un objet profane, périssable, humain, par l'intervention d'un défaut, nous semble ainsi ridicule. Par exemple, la vue d'un monsieur très sérieux , bien vêtu, solennel, représentant l'ordre, en train de glisser sur une peau de banane nous apparaît spectacle parfaitement hilarant. Le caricaturiste ou plus généralement l’humoriste réalise un "portrait-charge" qui a pour but de faire descendre son modèle du haut d'un piédestal qui lui conférait une éternité intouchable. On ne rit donc pas des mêmes choses selon les époques, cela dépend de la vision du monde, de ce que l'on considère comme ordre divin. Ainsi dans l'Antiquité la difformité fait rire; puisque la beauté du corps est sacrée, divine, sa désacralisation est comique. L'homme du Moyen-Age était confronté à une rudesse de vie qui lui faisait redouter la mort. La Mort devient divinité, ainsi tout ce qui y touche est sacré, et la médecine qui s'y oppose semble ridiculement présomptueuse, elle constitue cette faille qui fait rire de par sa prétention, son outrecuidance à vouloir vaincre l'inéluctable, et aussi de par son attachement au corps, cette enveloppe charnelle qui n'est que vanité.
La mort cesse d'être chose divine, ou chose sacrée avec l'évolution de la science. Le savoir transforme la vision du monde, mais si la nouvelle divinité est la Science, le scientifique , lui, est bel est bien accessible aux sarcasmes. C'est lui qui est faillible à présent, on glisse ainsi à travers les époques du corps sacré à la médecine sacrée et c'est le médecin, profane de par ses propres maladies, ses propres erreurs , qui sera désormais et jusqu'à nos jours à l'honneur dans la raillerie, opposé à la divine science de par ce qu'il est précisément un humain. C'est l'avènement du christianisme qui a changé la vision sur le malade, et sur l’infirme. Il est malvenu de se moquer d'autrui, la commisération et la charité sont des valeurs morales placées au-dessus de tout. La douleur d'autrui cesse d'être comique, hormis peut-être la douleur dentaire, inspirant délicieusement les artistes à travers les époques, peut-être en raison de la disproportion entre la petitesse de l'organe et l'immensité de la douleur qu'il occasionne. Bientôt on remarque une régression de la caricature des patients au profit de celle des médecins, de la Renaissance jusqu'au temps de Molière où là, bien sûr, on s'en donne à coeur joie. Le médecin, son attirail, son jargon, sa vêture, ses outils, tout est prétexte à des écrits sarcastiques, dessins, caricatures etc...
Le rire est donc un médecin, un guérisseur des affres moraux, des angoisses charnelles, aussi bien du malade, que du médecin aussi, qui est parfois un malade qui s’ignore plus ou moins volontairement. Le meilleur exemple de la vertu thérapeutique du rire, ce sont les clowns à l’hôpital, ces comédiens drôles officiant dans les services d’hospitalisation d’enfants. Leur rôle est plus important qu’il n’y paraît, ils interviennent dans la sphère du petit malade pour repousser les chaînes virtuelles de la maladie, pour percer la bulle de souffrance qui entoure l’enfant en sachant capter l’humeur et la tension de leur spectateur. Au-delà de la simple distraction, ces docteurs au nez rouge redonnent la place à la vraie vie dans l’enceinte de la maladie, celle ou la désinvolture, la joie, le rêve et l’imagination ont leur place, pour faire un pied de nez, même transitoirement, à la détresse, la souffrance et la solitude.
Alors, à quand la consultation chez un généraliste aux chaussures géantes, et quand verra-t on le spécialiste vous accueillir au cabinet avec un jet d’eau propulsée à travers une petite fleur agrafée à sa blouse ? Allez Mesdames Messieurs les doctissimes, un petit effort d’humour, ou d’ »umorismo », que diable !
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29 juillet 2009 3 29 /07 /juillet /2009 12:54
Séries médicales télévisées



Le cuisinier regarde-t il, lorsqu’il rentre de son labeur, les séries consacrées à l’art culinaire ? Le décorateur les émissions de « relooking » d’appartements ? L’agent de police, ‘Columbo’? Le médecin, les séries médicales ? La multiplication de ces émissions donne le vertige, alors nous avons là dans le désordre : ‘Urgences’, ‘Nip/Tuck’,’Grey’s Anatomy’, ‘l’Hôpital’, ‘Dr House’, ‘Plus belle la vie’, ‘Dr Quinn femme médecin’….La question est : est-ce que ces séries, destinées finalement à Monsieur-tout-le monde, influencent notre vie quotidienne, notre rapport à la médecine, notre façon de réagir face au milieu médical  et à la maladie? Suscitent-elles des vocations ?
En faisant appel dans ces séries à notre peur ancestrale de la douleur, de la maladie et de la mort, on peut se demander si nous ne cultivons  pas une hypochondrie délétère auprès du spectateur, bien que souvent, mais pas toujours, l’épisode se termine favorablement. Mais jusqu’où va l’identification du spectateur avec le patient virtuel ? Il est à craindre que le malade adepte de séries finira bien par trouver la consultation chez son vrai docteur trop courte, et les examens complémentaires prescrits trop peu nombreux. Les séries émanent en grande partie des Etats-Unis, où la technicité de la médecine américaine et son accessibilité apparente sont bien éloignées de ce que nous pouvons offrir en pratique en Europe. Sauf peut-être dans ‘Dr House’, praticien interniste privilégiant encore l’examen clinique, série pour laquelle je m’interroge si je suis la seule sur la planète à la trouver parfaitement inepte ??? Pardon, je sais qu’il y a des fans, mais en trente ans de carrière on ne sera confronté peut-être qu’à un seul des cas exotiques que Dr House voit en une semaine et solutionne en une heure. Les cas sont ce qu’on appelle des « moutons à cinq pattes », c’est à dire qu’on ne les rencontre quasiment jamais en pratique réelle,  et ils sont résolus dans l’incompréhension très vraisemblable de 99% des spectateurs. Cette série a le mérite toutefois de s’intéresser à des problèmes de médecine interne, car généralement, les héros, les vrais, ce sont les hommes en vert, j’ai nommé les chirurgiens, les vrais docs en somme, ceux qui savent TOUT faire, diagnostiquer le problème médical et opérer dans la foulée, cinq heures durant s’il le faut, alors que de mon temps d’étudiante (ça remonte..), l’une des préoccupations du chirurgien  était de ne pas faire lui-même un collapsus à la suite de la station debout prolongée. Bande de mauviettes…Ce qui fait donc que le malade auquel vous aurez diagnostiqué une cholécystite vous demandera d’abord quand-est ce qu’il aura son IRM et puis son PET-scan, siouplé, et ensuite quand-est ce que vous effectuerez sa cholécysto sous coelio avec lithotritie au laser troisième génération télécommandé par ordinateur BX2RK comme dans l’épisode 9654 de la série Urgence….
Quant à éveiller des vocations, cela paraît difficile, tant les protagonistes sont occupés en dehors de leur supposée activité médicale à sauver des enfants suicidaires, à tenir la main d’une pauvre vieille clocharde malade, à régler leurs histoires de cœur (pour employer un terme décent) quand il ne s’agit pas des problèmes de cœur (toujours pour employer un terme décent) de leurs collègues, tout ça dans un décor de tubes, tuyauteries et machinerie clignotante. On dirait que le personnel passe à peu près , dans un bon jour, une petite demi-heure dans le service à s’occuper des patients, dans une journée où en pratique mes chers confrères et moi-même ne trouvons parfois pas le temps d’aller vider nos propres vessies, et où prendre un café relève de l’utopie. Du coup tous ces gens dans le petit écran, étant occupés à bien plus intéressant qu’une grippe ou un furoncle, ne deviennent attentifs qu’en cas d’hémorragie cataclysmique ou bien d’une nécessité de dé-choquage. Et là, la moindre opération devient une catastrophe, hautement dramatisée, suivie d’une réanimation spectaculaire, avec la famille qui regarde par le hublot de la salle d’opération quand elle ne rentre pas carrément tenir la main du parent pris en charge. Ils ne connaissent donc pas l’asepsie en Amérique dans leurs hôpitaux ? Le staphylocoque s’arrête poliment à la porte de la salle d’intervention ? Les infections nosocomiales ont l’air d’être traitées par le mépris…
Bref, nonobstant, ne nous privons pas de ces tranches irréalistes dans le monde effrayant du corps et de la santé, où nous sommes pris en charge par des médecins beaux comme des dieux, avec un sixième et même septième sens pour nous sauver la vie, traversant les couloirs la blouse (verte de préférence) flottant au vent, le regard fixé vers l’horizon de leur devoir, le jarret ferme et tendu, la chevelure ondoyante, la vocation chevillée à leur corps irréprochable…..Wouaouhhh, Georges mon beau Georges (mais non, pas le voisin! Clooney bien sûr), quand tu veux, je suis ton homme……
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3 juin 2009 3 03 /06 /juin /2009 14:09

Art caritatif



En avez-vous assez, comme moi, d’entendre brailler les « Enfoirés » depuis vingt ans ? Avez-vous rigolé, vous aussi, devant le ridicule hélàs non mortel, de la chanson de Barbelivien et Siry « le Tibet c’est nous » , qui a insulté nos oreilles en avril 2008 ? Et là, bondissez-vous lorsque vous apprenez que Justin Timberlake sera sur scène en septembre pour chanter au profit de la Fondation « stand up to cancer » ? Plus fort encore, et c’est le cas de le dire, l’artiste Christophe Fort prévoit d’ériger des lettres colossales au-dessus de Marseille, à l’instar de celles d’ Hollywood, mettant en avant des motivations humanitaires et caritatives. Les lettres devraient être acquises par des mécènes, et « l’argent sera reversé à un grand centre de lutte contre le cancer et aux hôpitaux de Marseille. C’est cet aspect humain qui a séduit la mairie ». Ouf !!!MAIS QUEL BONHEUR CE CANCER ! Qui permet de faire passer n’importe quelle pilule ! Voilà de quoi river le clou même aux défenseurs de l’environnement qui osent, ces mécréants inhumains, invoquer des risques sur faune et flore.
Hollywood a son chewing-gum, Marseille sa savonnette, ce qui mérite bien sûr d’être inscrit en grand sur la montagne, surtout quand c’est pour une grande cause, le cancer . Bon, blague à part, on en a sérieusement marre, les cancéreux, d’avoir honte de ces désastres musicaux et monumentaux en tous genres mis sur notre dos, de nous sentir responsables de catastrophes musicales d’artistes qui chantent que le cancer c’est pas bien, dans des rimes d’une indigence littéraire qui ferait vomir même sans chimio, montées en un temps record, composées à la va-vite (les artistes s’en vantent même : »on a fait ça en une journée, c’était spontané… »). Stop les gars, oubliez-nous un peu, là…..On en a ras la perruque.
Le problème , c’est que le cancer n’est pas le seul concerné par cette dégoulinade de bons sentiments ; d’aucuns chantent contre la pauvreté (qui les en blâmerait), d’autres , au hasard de l’actu, pour l’Ethiopie(Renaud en 84), l’Arménie (Aznavour en 88), Bruel( pour la terre en 2006), le tout accompagné d’une sauce au clip débile, avec des chanteurs habillés tout de blanc (snif, c’est bô), un ou une soliste qui nous envoie des vocalises poignantes dans les tripes (et nous on est fragiles des tripes), avec en arrière-fond de préférence des petits Noirs à l’air vraiment très malheureux, ou une femme au regard ténébreux tenant un bébé dans ses bras (très porteur le bébé), ou bien encore des vieillards à l’air triste et désabusé reflétant toute la misère du monde (un peu moins porteur le vieillard quand-même).
L’hypocrisie du procédé permet, sous un vernis caritatif, de redorer son égo et relancer sa carrière pour bon nombre d’artistes un peu oubliés. Il permet aussi de faire passer n’importe quel projet, sans trop de débat. D’un point de vue qualitatif, le mauvais goût des clips et la médiocrité des chansons sont-ils vraiment au service des victimes ? On constate que les organismes caritatifs ou humanitaires font de plus en plus appel aux artistes pour porter leur cause, car la noble cause doit être en quelque sorte…esthétisée. Mais à quel point l’artiste inversement ne recherche-t il pas la bonne cause pour retrouver sa célébrité, à lui ? Œil pour œil, don pour don. La publicité pour l’artiste, autour de la prestation, est immédiate, considérable et pas bien coûteuse….
Du point de vue quantitatif à présent, l’efficacité à récolter des fortunes par toutes ces initiatives « humanitaires » ne sont plus à démontrer. Et là, ça devient carrément indécent, le gloss, le strass, le glitz, le bling-bling dans le grand spectacle de la charité, asséné au spectateur, par le fait de grands galas, de stars en Haute Couture, de la jet-set en grande pompe, tout cela n’a plus grand chose à voir avec l’art au service de la cause, mais plutôt de la cause au service du charity-business, bien éloigné des valeurs qu’il est censé transmettre, dénué de toute modestie, et jouant sur un chantage émotionnel pour la course au don. Les partenaires publicitaires peuvent se frotter les mains, le marché a de l’avenir, car en effet, la pauvreté, la famine , le sida, la mucoviscidose, la myopathie et le cancer ont de beaux jours devant eux. Tous ces fléaux ont-ils reculé depuis l’arrivée de ce cirque médiatico-humanitaire ? Comment se porte donc la recherche dans notre pays ? Les dérives financières, la misère devenant une manne juteuse à des pseudo-philanthropes, constituent les limites décentes du système. On se demande même si ce battage médiatique apporte quoi que ce soit aux intéressés, et ne les prolonge pas dans leur misère. En effet, plus le public donne et prouve ainsi que la mobilisation est efficace, plus l’état se désengage. On y assiste très nettement pour les victimes du tsunami, l’aide internationale a permis de parer au plus urgent, nourrir et abriter provisoirement la population affectée ; à présent, au moment où la reconstruction passe par l’intervention des gouvernements et des communautés locales, la situation stagne, les pouvoirs politiques, auxquels incombe la gestion de crise, se déresponsabilisent. Résultat chez nous, les Enfoirés sont toujours sur le terrain vingt ans plus tard.
Mais peut-être la conséquence la plus délétère du spectacle caritatif est sa perception par le public, et la conséquence sur son avenir. La réalité des causes défendues est souvent plus complexe qu’il n’est exposé au public; en jouant sur l’anesthésie du public par des méga-shows et sur sa mauvaise conscience par l’appel aux dons et aux records de générosité à battre, le business de la bienfaisance risque de devenir contre-productif. Le malheur se banalise, et le risque que le grand public devienne indifférent , lassé de se voir imposer cette surenchère jusqu’à la nausée sera peut-être le début d’un sentiment de saturation, conduisant à terme vers un désintérêt des bonnes causes, un déclin de cet effet de mode d’art-charity-business, et vers une diminution de la générosité publique.
Evidemment, on m’objectera de proposer autre chose, comment faire mieux ?.... Je n’en sais fichtre rien, et ce n’est pas mon propos. Moi j’appelle les cancéreux de tout poil à se mobiliser autour d’un disque « fuck the charity » (en anglais ça fait plus mieux bien), les fonds seront reversés à une entreprise de sabotage des lettres marseillaises, ou bien à l’AECD, l’association pour l’entartage des chanteurs de daube. C’est vrai, au fait, il fait quoi l’entarteur ?

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19 mai 2009 2 19 /05 /mai /2009 18:29


_2711.jpgFéminisation de la profession médicale



Jésus n’a pas choisi d’apôtre femme. Il lui fallait des acolytes à « disponibilité totale », des comparses travaillant à temps plein. Et puis, depuis le coup de la pomme, Eve, on s’en méfie, elle est à l’origine de toutes les complications de ce bas monde pour certains dinosaures , heureusement en voie de disparition, vieux mandarins ou patrons machistes compris, qui n’ont pas encore admis que l’évolution de la société passe par l’intégration et la reconnaissance de la femme pour ses vertus professionnelles particulières, pour ses capacités qui lui sont propres, à mener de front vie familiale et professionnelle, entre autres. Ce sont elles qui ont permis ce mouvement de moindre adhésion au concept de la disponibilité permanente, très partagé par nos aînés. Il est de plus en plus exclu pour le jeune confrère qui veut s’installer, de sacrifier l’intégralité de son existence à son activité, par souci d’une meilleure qualité de sa consultation, et aussi pour échapper au phénomène de « burn-out » que l’on constate malheureusement de plus en plus souvent chez les médecins débordés, ne comptant plus leur temps. La société et le malade en particulier ont donc tout à y gagner en matière de qualité.
La progression féminine dans le domaine professionnel, fruit de son émancipation arrachée de haute lutte lui a valu de pouvoir empiéter sur des domaines symboliquement dévolus aux hommes. Le problème est que l’émancipation de l’homme, qui demandait autant d’efforts et de volontés d’adaptation, n’a pas eu lieu. L’homme est à sa place depuis la nuit des temps et a du mal à ménager un peu d’espace à l’avancée féminine. Pour preuve, là où les femmes utilisent le temps libre à la famille, on constate que les hommes, arguant travailler moins pour s’inscrire plus dans la vie de famille, restent malheureusement dans les faits encore loin derrière l’activité féminine en matière de partage des tâches domestiques et d’éducation des enfants. Et cela ne s’intensifie pas, même en cas d’augmentation de l’activité de la mère-médecin.
La féminisation de la vocation médicale est chiffrée et réelle, de plus en plus de femmes s’y engagent ET terminent leurs études. Ces études ne sont pas réputées pour être faciles, or on constate en ce moment une meilleure réussite des femmes aux concours par rapport aux étudiants. Il est reconnu qu’elles sont des étudiantes souvent plus sérieuses et plus appliquées que leurs collègues masculins. Par ailleurs , ce « boom » féminin en médecine est bien la preuve que le métier requiert des qualités dont elles disposent, réputées plus « féminines », telles que la proximité avec les malades, une écoute plus patiente et plus douce. En effet, à quoi servent les compétences techniques et le savoir scientifique si le médecin est dénué d’aptitudes relationnelles et d’attention envers autrui ? Les femmes disposent très certainement d’une capacité d’écoute et de dialogue forte, de qualités relationnelles, tournées vers autrui plus présentes que celles des hommes, qualités qui étaient dévolues antérieurement aux infirmières et que la femme-médecin possède en elle en plus de ses compétences médicales.
Une des capacités incontestable de la femme est sa faculté d’organisation afin de mener de front plusieurs vies, notamment la vie de famille comme on l’a vu plus haut. Ce qui amène naturellement  à considérer le temps de travail féminin et le problème du mi-temps, que souvent elle revendique. Examinons les chiffres de la durée hebdomadaire du temps de travail chez les médecins et surtout leur évolution durant les trente dernières années. Dans les années soixante, la proportion des hommes chez les médecins était de 90%, effectuant en moyenne 50 heures par semaine, les 10% des femmes effectuant 40h hebdomadaires, cela nous donne 45 heures de travail hebdomadaire pour les médecins hommes, contre 4 heures pour les femmes, donc 49 h de disponibilité médicale hebdomadaire. Il est difficile d’apprécier exactement l’évolution des choses mais on peut raisonnablement se baser sur une répartition de l’activité médicale entre 50% d’hommes et 50% de femmes vers 2020. En admettant que les hommes conservent leur activité de 50% (ce qui risque de ne pas être le cas) et que les femmes augmentent la leur à 44 heures (elle ont déjà augmenté leur temps de travail de 40 à 42 heures entre 1977 et 2007), nous obtenons 25 heures hebdomadaires d’exercice médical pour les hommes et 22 pour les femmes, donc au total 47 heures de temps de travail médical par semaine. Le temps de travail tout confondu va donc diminuer vers 2020, même en admettant une hypothétique conservation du temps de travail chez les hommes, alors même que les femmes travailleront plus. (Selon un des rapports Berlan, il est prévu qu’en 2025, femmes et hommes aient atteint la même activité professionnelle moyenne, mais l’égalisation du temps de travail des femmes par rapport à celui des hommes sera en bonne partie dûe aussi à la réduction du temps de travail masculin.)
Le fait que la proportion des femmes ait triplé dans ces trente dernières années dans le corps médical ne compense donc pas, comme on le voit, la réduction du temps de travail des médecins, mais sans cette expansion toutefois, le corps médical aurait enregistré une encore plus importante réduction du temps de travail. Il ne s’agit donc pas d’incriminer bêtement la féminisation médicale comme une mise en péril de la profession, mais bien, et c’est le rôle des pouvoirs publics, d’intégrer cette donnée, au même titre que le vieillissement de la population, que l’inversion de la pyramide des âges, que la pénurie médicale globalement dans la gestion du numerus clausus. Mais quand donc enfin nos politiques  réaliseront que l’aménagement du numerus clausus doit être plus drastique, car ce qui est concédé actuellement ne suffira même pas, vers 2020, à stabiliser le temps de travail actuel des médecins. Il est injuste et démagogique d’accuser les femmes de la dégradation de la disponibilité médicale, car le travail au sein de la famille, à l’éducation des enfants, est profitable à la société tout en n’étant pas valorisé, pas rétribué, et même pas « visible ». Autre problème, celui de la « visibilité » justement de l’activité féminine professionnelle moindre, lorsqu’elle travaille à mi-temps, ce qui compromet ainsi souvent ses chances de promotion en milieu hospitalier.
Après l’examen quantitatif, considérons l’aspect qualitatif, évidemment plus difficile à chiffrer, mais il est notoire et reconnu que la productivité est bien meilleure à temps partiel, ce qui est logique. Plutôt que d’exiger des femmes de choisir entre vie professionnelle et vie familiale, il serait plus judicieux d’améliorer les systèmes de garde d’enfants et de lui permettre une meilleure disponibilité dans son métier. La reconnaissance du temps partiel servirait également la cause des hommes qui visent à réduire leur temps de travail, de concert avec une meilleure productivité dans l’exercice professionnel et un partage plus équitable des tâches à la maison. La meilleure qualité de vie est également revendiquée par les hommes. En mettant en place plus de postes à mi-temps, on éviterait sûrement une fuite du personnel médical et on orienterait vers ces postes la relève féminine.
Un reproche souvent fait aux femmes est l’interruption de son activité pour grossesse. Ce que les hommes ont parfois  tendance à considérer , un peu jalousement, comme le « privilège » féminin, les femmes ont l’intelligence de ne pas en tirer de sentiment de supériorité. Tout est dans la présentation des choses, on peut évidemment considérer cet acte de donner la vie comme purement égoïste et narcissique. En vérité il est motivé de générosité, c’est un acte citoyen, naturel qui plus est, qui mériterait bien plus de valorisation, surtout en ces temps de lamentations au sujet de la baisse de la natalité.
Et le malade dans tout ça ? Eh bien, il serait temps de l’habituer à cette nouvelle donne, la féminisation ayant pour avantage de laisser aux patients, mais plus spécifiquement aux patientes une plus grande liberté de choix d’un médecin de leur sexe.
Le problème des femmes aussi, inhérent peut-être à leur nature plus pacifiste, est qu’elles ne contestent pas l’ordre établi, ils ne s’agit pas pour elles de contrer des stéréotypes qui leur donne la responsabilité de tâches sexuées ; elles ne remettent pas non plus en question le fait que l’homme ne conçoive toujours pas de nos jours que sa femme s’investisse davantage professionnellement que lui. Elles ne veulent pas « dominer », capter le « pouvoir », mais seulement que l’homme lui laisse un peu de sa place au soleil, pour être son complément, son égal, et lui prouver, ainsi qu’à la société que l’on peut progresser vers d’autres horizons, vers d’autres schémas d’organisation du travail et de la société. Le système médical français va devoir s’adapter à cette nouvelle démographie, tendant vers une amélioration de la qualité de vie de chacun mais aussi une meilleure qualité du travail et une meilleure organisation du temps de travail.
En conclusion, pour faire face intelligemment à la féminisation de la profession médicale et de toute façon à la pénurie médicale, pour une organisation plus humaine de la médecine, il faut :
-impérativement et en premier lieu reconsidérer le numerus clausus à la hausse, pour gérer la pénurie prévisible et déjà en marche, les hommes aussi bien que les femmes qui veulent s’investir dans ce métier devant le faire sans craindre la surcharge de travail.
-organiser le transfert des compétences, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays européens.
-développer le temps partiel, en organisant des postes à mi-temps, avec la création de maisons de santé, qui hébergent plusieurs médecins, et plusieurs spécialités, des multi-sites avec des professionnels para-médicaux.
-gérer mieux les choix de spécialités, en rendant entre autres les postes à pourvoir en chirurgie plus attractifs aux femmes.
-améliorer les systèmes de garde d’enfants
-espérer un investissement masculin supplémentaire extra-professionnel….
C’est sûr, Le Christ de nos jours, avec un peu de bonne volonté, il aurait pris une apôtresse dans son équipe…..

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18 avril 2009 6 18 /04 /avril /2009 01:20
Le principe de précaution

Lorsque Jenner, en 1796, inocule à un enfant de huit ans du pus prélevé sur la main d’une femme infectée par la variole de la vache, puis trois mois plus tard la véritable variole, inventant ainsi la première vaccination, sa méthode empirique ne s’embarrassait guère du principe de précaution.
Que dirions-nous, de nos jours, si le Professeur Chris Barnard, pionnier de la greffe cardiaque, renouvelait comme il le fit en 1967 après le décès de son premier patient, une deuxième tentative de greffe un mois plus tard, sans garantie de succès ? Nous crierions au scandale et brandirions le fameux principe de précaution.
Il n’existe pas de définition concrète de ce principe mais l’énoncé dans la loi Barnier concernant l’environnement est le suivant :
 "l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable".

Le principe officiellement entériné en 1992 dans la Convention de Rio est inclus dans la Constitution française en 2005 par Jacques Chirac, et invoqué au-delà des questions environnementales jusque dans le domaine de la santé.
A quoi sert-il? Il vise à estimer le risque et le bénéfice d’évènements, de nouveautés, sur l’environnement ou la santé des personnes, tendant vers l’objectif utopique du risque zéro, tout au moins le plus réduit possible. Ses avantages sont : premièrement de pousser les décideurs à évaluer et quantifier le risque, deuxièmement de rendre compte au public et d’informer la population en toute transparence.
En matière de santé, le médecin prend un risque à chaque patient, celui de traiter ou ne pas traiter, d’intervenir ou ne pas intervenir. Dès lors que ce risque est présent, le praticien se trouve dans un dilemme délicat, qui induit soit une pléthore d’examens et donc de dépenses pour le réduire au maximum, ou bien qui conduit, à l’extrême, à une abstention totale, un immobilisme par crainte de poursuites judiciaires.
D’autres effets adverses, plus généraux, du principe de précaution sont développés à partir de trois exemples concrets.

1° Remise en question de l’intérêt général-
Dans une société le groupe est une entité dont l’intérêt, dit général, devient supérieur à la somme des intérêts individuels. Comment le principe de précaution remet-il ceci en cause ?
Récemment, une antenne de téléphonie a été démontée, par décision de justice confirmée en appel, au nom du principe de précaution, sous la pression d’associations. On voit bien là que l’angoisse générée par des groupes particuliers, alors même que le risque n’est qu’éventuel et que même les scientifiques divergent dans leurs conclusions, risque de priver, au nom du principe de précaution, les consommateurs d’un bien et d’une avancée technologique plébiscitée, améliorant la communication et permettant de sauver des vies dans des situations d’urgence ou de danger. Bien sûr que l’incertitude scientifique ne doit pas conduire à l’effet inverse, ou aucune mesure protectrice n’est entreprise comme dans les scandales du sang contaminé ou de l’amiante, mais on voit là dans l’exemple du démontage d’une antenne de téléphonie mobile le fait que l’intérêt général se retrouve assujetti à un intérêt particulier, ne concernant qu’un groupe de personnes, s’estimant victimes, alors même que le risque est incertain. N’est-on pas enclin à suspecter finalement les décideurs et les juges d’opter pour des solutions qui les protègent de toute accusation de négligence, mais pas forcément justifiées ?
Il est important de se poser un certain nombre de questions avant d’appliquer à l’aveugle le principe de précaution, à savoir si le risque existe réellement, à qui l’activité mise en question profite, et à qui le risque potentiel revient réellement.

2°-Principe de précaution abusif par méconnaissance d’avantages éloignés de notre quotidien, de nos préoccupations-
On prendra comme exemple les OGM. Leurs avantages sont connus alors que leurs éventuels effets délétères sur la santé sont loin d’être formellement démontrés. Les OGM permettent une augmentation du rendement des exploitations agricoles, en même temps qu’une éradication des maladies des céréales, alors qu’une bonne partie du globe, notamment l’Afrique, se meurt de faim. Ils favorisent une diminution de l’utilisation des pesticides et des fongicides, alors que dans certaines contrées ceux-ci sont manipulés par les paysans en dépit de toute précaution, et au mépris de leur santé. Ils diminuent le coût de l’alimentation. Les risques potentiels sur la santé humaine, mis en avant par des écologistes politiques, n’ont JAMAIS été démontrés. Evidemment, les bénéfices des OGM, peu perceptibles dans nos pays développés, paraissent éloignés de nos besoins, éloignés de nos soucis d’occidentaux bien nourris, bien équipés, ne souffrant pas de sous-alimentation, loin s’en faut. D’ailleurs la réglementation en matière d’OGM est exemplaire, et on devrait s’en inspirer dans d’autres domaines car elle prévoit :
-des séries d’évaluation avant mise en culture sur l’environnement et sur le risque sanitaire,
-une période complémentaire de surveillance continue et de suivi environnemental et sanitaire avec possibilité de retrait,
-et par dessus tout, une information des consommateurs par étiquetage des produits.
Justement, l’information ne devrait pas se limiter à la présence ou non d’OGM dans un produit, mais devrait porter plus généralement sur l’application salutaire des OGM, au-delà de nos œillères de consommateurs égoïstes et bien-portants, au-delà des cassandres écologistes entretenant ce climat délétère de méfiance vis à vis de la science et qui se répand insidieusement dans les esprits .

3- Immobilisme et refus du progrès-
Une jeune zone de recherche en plein essor consiste en les nanotechnologies. Les applications concernent de nombreux domaines, outre le domaine du quotidien (consoles de jeux plus performantes, écrans haute-résolution, ordinateurs plus puissants, électroménager, domaine de l’optique…) , ou celui de l’environnement (fabrication de panneaux solaires plus solides, de revêtements anti-corrosion, de catalyseurs chimiques, de stockage de l’énergie…), mentionnons celui de la santé, à travers les biocapteurs, les biomatériaux, les biopuces, les implants délivrant des médicaments « intelligents » de réparation cellulaire, en matière de cardiologie et de cancérologie.
Appliquer le principe de précaution dans les biotechnologies est illusoire, tant le domaine est vaste. On ne peut tester séparément dans chaque objet les nanoparticules présentes, mais on ne peut pas non plus bloquer un projet aussi prometteur sous prétexte du principe de précaution, qui se retournera alors contre cette recherche fondamentale s’il lui est imposé. Il faudra bien une concertation internationale, politique , scientifique et industrielle sur les moyens et les outils à développer, pour évaluer justement le risque au cas par cas. Il est nécessaire d’informer le public en toute transparence par un débat public, qui porterait plus utilement sur l’opportunité de l’application dans laquelle la nanoparticule est impliquée plutôt que sur la nanotechnologie elle-même.

Concluons par la citation de Bruno Latour, professeur au Cnam :
« Si nous n’y prenons pas garde, le principe de précaution, invention aussi utile que fragile, va se banaliser, au point de se confondre avec la simple prudence…Décider que l’on prend le risque n’interdit pas, bien au contraire, de multiplier les moyens de le mesurer . »
Travaillons à mesurer le risque avec justesse et justice, par des moyens suffisants et appropriés, avec, en perspective, le bénéfice pour l’humanité dans  l’application d’une nouvelle invention, d’un nouveau produit, plutôt que brandir prématurément et abusivement d’emblée un principe de précaution, utile s’il n’est pas galvaudé pour servir certains groupes d’intérêt ou certaines idéologies.

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9 février 2009 1 09 /02 /février /2009 18:50
De l’appropriation de compétences médicales par des non médecins




Début février 09, Lilian Thuram, footballeur de son état, refusait le ministère de la Diversité que le Chef de l’Etat lui proposait, arguant que « la politique est quelque chose de très noble qui ne tolère pas l’à-peu-près.»
Ce que ce sympathique et charismatique sportif voulait dire, en clair, c’est qu’il lui répugnait de faire n’importe quoi. Outre l’immense talent footballistique du défenseur français, force est de lui reconnaître un solide bon sens et une intelligente honnêteté. Il n’en est pas de même pour tout le monde et dans tous les secteurs. Nous nous pencherons sur trois phénomènes de tentative de certains corps de métiers à s’approprier et à exercer des compétences médicales, après des formations très courtes et plus ou moins adaptées, un peu à l’instar des chanteurs que l’on voit se produire dans diverses émissions populaires type Star Ac’, et qui manifestement ne savent pas plus chanter que vous et moi sous la douche. Si le massacre musical en société et en public est tolérable, dans le domaine de la médecine, il en va tout autrement.
1° les Sociétés d’échographie fœtale à visée commerciale.
Il s’agit d’infirmiers ou de techniciens formés à l’échographie qui proposent de l’imagerie fœtale sans divulgation aucune de renseignements médicaux, (d’après eux du moins), un peu de façon ludique, pour permettre aux futurs parents de visualiser leur futur enfant, mettant en avant l’examen échographique souvent trop rapide et dénué d’émotion de la part du radiologue. Ce serait une imagerie d ‘»appoint » pour les parents, souvent frustrés de l’examen médical où les images sur l’écran ne sont pas bien comprises, et/ou pas toujours bien expliquées par le médecin faute de temps. Quelle est l’utilité médicale de ces séances, par ailleurs coûteuses et non remboursées ? Elle est nulle, et le procédé même délétère.
Car on a tout de même un peu de mal à s’imaginer le déroulement de l’examen de façon parfaitement muette. Il paraît quasi sûr que le technicien non médecin effectuant l’examen  montre  et  désigne les différents organes observés et que s’instaure un dialogue avec l’assistance. Qu’advient-il si réellement l’exécutant reste muet comme une carpe? Un faux sentiment rassurant peut s’installer, ce silence pouvant être pris pour l’approbation d’un examen normal . A l’inverse, si le technicien découvre une anomalie ? La dire ? Ne pas la dire ? Comment faire l’annonce, n’étant pas formé à cet exercice délicat ? Et si un diagnostic est émis et s’avère erroné après consultation chez le radiologue? Au risque anxiogène inutile s’ajoute un autre risque, celui de la potentielle nocivité de l’examen. Il est vrai que l’examen échographique est réputé anodin, toutefois le nombre d’examens est limité en pratique courante, et les examens effectués sur des appareils vérifiés, testés. On ne peut être sûr qu’il en soit de même dans ces sociétés d’échographie, et à l’heure du principe de précaution on pourrait se demander si la multiplication des examens reste réellement sans dommage sur des tissus en voie de formation. Le risque posé par la pénurie médicale, mais aussi par le fait que bon nombre de radiologues aient cessé l’activité d’échographie obstétricale en raison de la menace croissante de poursuites judiciaires, est que les couples recourent plus facilement vers ces groupes non médicaux, où ni le personnel, ni le matériel ne sont soumis à un quelconque contrôle.
2°la profession des « doulas ».
Il s’agit d’assistantes à l’accouchement, ni médecins, ni sages-femmes, qui s’adoubent accoucheuses en se fondant sur leur simple expérience personnelle, leurs connaissances empiriques, une formation théorique et pratique courtes (quelques stages de durée limitée). Il n’y a aucun encadrement légal, pas de formation validée par un organisme officiel, pas de statut juridique. Les doulas prônent l’accouchement le plus naturel et le moins médicalisé possible et encouragent à l’accouchement à domicile. Elles mettent également en avant leur utilité par rapport à la pénurie des sages-femmes, la meilleure réponse à la surcharge de travail de ces dernières toutefois serait tout simplement qu’on en forme davantage.
Les problèmes qui se posent sont multiples, par leur relation intime et privilégiée envers la parturiente, les doulas influencent cette dernière à privilégier l’accouchement à domicile. Par crainte de surmédicalisation de l’accouchement , les parents se retrouvent au milieu d’un antagoniste entre les conseils des doulas et l’obligation des médecins d’appliquer leur science sous peine de poursuites. Les doulas sont censées prodiguer des conseils non médicaux aux parturientes, mais là aussi, qui vérifie leurs dires ?
Alors que la mortalité infantile régresse par le fait même de la médicalisation de l’accouchement, peut-on tolérer un retour en arrière, avec une perte de chance pour la mère et l’enfant, seulement par crainte de surmédicalisation ? Comment justifier ce retour à l’obscurantisme dans une époque en plein progrès médical? Où est l’utilité médicale de cette démarche ? Quel est son avantage sur la santé, à part l’épanouissement égoïste , individuel avant tout, à la mode, qui est à la base de ces « médecines » alternativement douteuses?
3°Le contrôle de la vision par les opticiens.
Il s’agit d’une profession commerciale qui souhaite effectuer des examens de la vision et des examens de dépistage des maladies de l’appareil visuel… tout en restant commerçants. Là aussi, la formation est courte et n’est pas médicale. La conclusion de l’examen effectué par l’opticien, son diagnostic, outre le danger d’être potentiellement faux en sous estimant ou au contraire en sur estimant la pathologie, ce pseudo diagnostic risque fort d’être assujetti aux considérations commerciales et orienté par ces dernières. On risque en conséquence d’assister à la multiplication d’examens secondaires et de surcharger la consultation ophtalmologique par des diagnostics alarmistes, infondés, erronés du fait de l’absence de connaissance médicale, d’expérience insuffisante, éléments qui permettent au médecin d’intégrer plusieurs données dans son diagnostic et de relativiser celui-ci. Là aussi, la meilleure réponse à la pénurie d’ophtalmologistes est tout simplement d’augmenter les postes formateurs des médecins ophtalmologistes, ou/et d’habiliter des collaborateurs sans implication commerciale, genre orthoptistes.

Trois facteurs se dégagent pour expliquer ce dérapage général vers la culture de la médiocrité actuelle qui n’épargne pas le secteur médical, et qui met en danger toute la société, par l’absence de rigueur professionnelle, par la perte de l’honnêteté et de l’éthique du travail.
-Le premier facteur est la pénurie médicale, qui permet l’installation de ces dérives parmi des professions en marge de la médecine.
-La deuxième cause que l’on peut invoquer est justement cette tendance à dévaloriser et banaliser les compétences de professions  exigeantes et ce mépris sociétal des instances.
-Enfin en troisième lieu, et concernant plutôt les deux premiers chapitres, il faut souligner l’effet de mode du « coaching » pour n’importe quoi y compris l’accouchement , l’engouement pour le développement et l’épanouissement en tout genre de l’individu avant tout, la recherche éperdue du « bien-être » personnel, constituant le lit des « médecines alternatives », faisant passer au second plan les éventuels dommages sur sa santé, la santé d’autrui, y compris de son propre enfant à venir, occasionnés par ces comportements égoîstes et irresponsables.
Nous nous trouvons malheureusement dans une époque de culture de masse, de médiocrité, qui a perdu son sens du raisonnement pertinent dans des domaines capitaux comme ceux par exemple, de l’éducation ou de la santé.
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